De la littérature française où l’on croise les mots « Triumph Tiger 500, BSA Royal Star, Bonneville, lunettes Baruffaldi, casque Cromwell », ça change des émois de post adolescents germanopratins, du genre qu’on couronne habituellement de prix. Michel Embrareck n’est pas un motard, mais c’est un ancien journaliste, un vrai, d’avant wikipédia, il sait ce que c’est qu’une enquête, et pour la partie motarde de son livre, il a même retrouvé un gars âgé qui était un pote de Gene Vincent, avec qui il roulait de l’anglaise vintage le long de la levée de la Loire, en région tourangelle, tout en devisant du rêve partagé d’aller un jour faire le TT sur l’île. Gene Vincent, immortel créateur de “Be-Bop-A-Lula”, boiteux et souffrant à vie d’un accident en Tiger dans les années 50, est l’un des deux protagonistes de Jim Morrison et le diable boiteux. L’autre est nommé dans le titre. Là, par contre, Embareck n’a pas besoin de mener l’enquête en milieu hostile, le rock’n’roll, il a travaillé dedans, comme journaliste spécialisé dans les années 70, interviewant le ban et l’arrière ban. Plutôt spécialisé dans le polar nerveux, et putain d’écrivain, Embareck cette fois brode autour de l’amitié réelle entre les deux légendes du rock, faisant intervenir dans son récit nombres de figures emblématiques, de Charles Manson à Alice Cooper. Quand la littérature absorbe le réel, pour la mixer avec l’imagination, ça fait un sacré cocktail, et Embareck, à ce qu’on raconte, a sur son passeport les tampons de tous les bars dignes de ce nom entre ici et la Pecos River. Autant dire que ce voyage à l’écriture ciselée entre Los Angeles, Altamont, Woodstock, Miami (où Jim Morrison ne montra PAS sa tuyauterie, quoiqu’en dise la légende) est recommandée férocement pour les soir d’étapes, autour d’une flambée de chêne, une liqueur d’homme en pogne.
JEP
Jim Morrison et le diable boiteux (Editions de L’Archipel)