C’est un fait, ceci n’est pas un café-racer : point de bracelets, de réservoir goutte d’eau et non plus de twin anglais antédiluvien qui pisse l’huile. Ceci n’est pas non plus un essai, tout juste une compilation d’impressions résolument subjectives et absolument personnelles d’un type qui roule au quotidien avec l’ancienne version de ce Tiger, un 800 XCA 2016. Ce type-là n’est pas non plus un pilote. C’est un photographe qui part photographier des gens de la motocyclette à motocyclette, il a donc besoin de ce genre de motocyclette-ci.
Au déconfinement, il est parti (tel Alain Delon, à la troisième personne) dans le sud avec tout son matériel prendre des photographies pour Cafe Racer, le sujet couverture entre autres. Soit autour de 2000 km avec plus de 20 kg de matériel, genre studio-photo mobile. En café-racer, à déculasser au bord de la route, la perte d’efficacité photographico-motocycliste était certaine… Fallait pas trop se rater quand même. D’où ce vaisseau spatial technologique.
Le premier bon pont de la Tiger, c’est que tout tient dedans. Tout le matos photo. Dans les valises. Ce sont des nouvelles Givi avec un nouveau système fermeture : ça s’ouvre dans tous les sens, même ceux auxquels on n’aurait jamais pensé. Peut-être trop, un peu d’eau arrive à rentrer si on n’est pas vigilant. Bon pas plus de 5kg dans chaque élément, hein, oui, bon. À l’arrêt c’est gros, mais en roulant tout est oublié, sur petites routes ou comme sur autoroute. Il y a juste un poil d’air qui remonte dans le bas du dos.
Au départ sur l’autoroute, sous la flotte, le Tigre file tout seul. Comme l’ancien, souple tranquille, on ne se fatigue pas, on/il est efficace. D’un geste franc on ajuste la bulle comme on veut, sans bouton mais sans système compliqué non plus. C’est tellement tranquille, qu’on a le temps de se balader dans les menus (Attention cette cascade est réalisée par un grand professionnel, faites ça plutôt à la maison !) Tout est beau et grand sur ce compteur tout neuf super moderne. Ce n’est pas un Smith, non, c’est un TFT. On trouve ses marques assez vite dans tous ces dédales menus : on est tous des geeks maintenant, non ? On peut régler ses modes de roulage en roulant. Il y en a plein : des off-roads, des sports, des pluies… Le photographe n’a pas tenté l’off-road. Le devoir à accomplir, l’expérience de la maturité et une extrême lucidité ne l’ont pas incité à partir à l’assaut des sentiers cévenols sur un engin de 200kg (même plus léger que l’ancien) bardé de matériel cher. La trouille combinée à la perspective de la douleur qui fait mal, aussi.
Sorti des grandes voies, le caractère, le nouveau caractère du trois cylindres régale, plus rugueux, mais pas trop. Le nouveau 900 passe parfois pour un bicylindre. La machine plus compacte et légère est un plaisir, souple et efficace. Si tant est qu’on a pensé à régler sa hauteur de siège correctement, 2 positions. Dans les cols cévenols, c’est un plaisir, on se laisse bercer par le ronronnement du moteur lui aussi bien plus chic. Ce n’est pas une machine de guerre hyper sportive, mais c’est facile et confortable, on en oublie ses bagages. Le photographe a lui souvent aussi oublié que le Tigre disposait d’un shifter up & down avant de s’y faire. Il a ensuite oublié qu’il n’en avait pas sur son Tigre à lui de 2016, et que bon quand il est remonté dessus il n’a pas arrêté de caler, avec ces bruits métalliques désagréables. Sinon ça freine dur mais bien, mais mieux qu’avant. Après, il n’attaquait pas. Enfin il n’attaque jamais, le photographe, il ne sais pas trop faire. Il est photographe pas essayeur.
Et le photographe, il cherche souvent sa route pour aller immortaliser le rare, l’inédit. Grâce à l’appli Triumph, via son smartphone (à régler à l’arrêt donc) il a pu trouver sa route. Un GPS basique et simplissime, mais GPS quand même, occupe une partie de l’immense compteur. Franchement ça dépanne tellement. Comme les GPS, il faut le comprendre un peu et après roule. Et puis on peut régler le trajet sans autoroutes, sans péages et se retrouver dans la pampa à la découverte de superbes route et paysages. Faire de la moto quoi.
Après 2000 km de paysages cévenols et auvergnats fous, de cols géniaux, 3 reportages, une session couverture, quelques bières, un génocide insectaire, un bus vu d’assez près, un peu trop près, plus 4000 photographies, sans être un professionnel de l’essai, le photographe s’est régalé. Il était persuadé d’avoir la meilleure machine du monde, parce que c’est la sienne déjà, et que quand même c’est super le Tiger 800 XCa de 2016, mais là il a pris un bon coup de vieux, le Tiger 2016. Le nouveau Rallye Pro est plus charmant à de nombreux point de vue : moteurs confort, équipement, ergonomie, esthétique, même les commodos sont mieux.. Bon ce n’est toujours pas un café-racer, mais c’est une pure motocyclette de photographe de Cafe Racer.
Jean-François Muguet