Troquer sa boite à air pour un jeu de cornets ou tulipes est un basique de la customisation moto. Et si l’effet de style et les quelques centaines de grammes d’économisées suivent la philosophie Café Racer, cette conversion chamboule radicalement votre admission et implique d’adapter de votre carburation. Richesse, gicleurs, synchronisation : on reprend les bases !
De la boite à air aux filtres cornets
A l’origine, les cornets étaient employés sur les machines de courses et permettaient de gaver les moteurs en essence. Cependant, en installer sur votre moto n’est pas une opération anodine pour son admission. Leur porosité à l’air étant bien inférieure à celle de votre boite à air d’origine, ces nouveaux filtres impacteront directement la fragile proportion air/essence qui conditionne votre carburation.
Et il ne vous faudra pas longtemps pour en faire l’expérience ! A la remise en route de ma Suzuki GS850 de 1981 (un quatre cylindres refroidi par air), j’ai très vite compris que j’allais devoir patienter pour en savourer les premiers tours de roues. Les symptômes ? Un ralenti assez haut et un moteur qui s’étouffait au premier coup de gaz. Impossible d’envisager passer la première en l’état et un démontage de la rampe s’impose.
Pour ceux qui hésitent encore à franchir le cap, n’oubliez pas qu’au delà des réglages de carburation qu’ils imposent, les cornets sont également plus sensibles à la pluie et l’humidité. Si vous comptez utiliser votre machine par tous les temps ou qu’elle ne dort pas au sec, conserver votre boite à air restera dans tous les cas votre meilleure option. Aussi surprenant que cela puisse être, votre machine équipée de cornets sera également plus sensible aux vents latéraux. Une rafale pourra ainsi provoquer un trou de régime… peut-être anecdotique mais il faut le savoir !
Eliminer les sources de problèmes
S’intéresser à la carburation de sa moto requiert beaucoup de méthode, patience et finesse. Les problèmes pouvant avoir de multiples sources, autant en écarter avec quelques opérations de maintenance. Matthieu Volpi – allias Monsieur Carburologue – vous conseillera ainsi de démonter entièrement votre rampe pour en nettoyer les moindres recoins. Les résidus accumulés pouvant obstruer les différents orifices faisant circuler de l’air ou du carburant, un démontage intégral sera toujours préférable à un bain d’ultrasons. Et tant qu’à déshabiller vos carburateurs, autant remplacer les joints, ressorts et pointeaux avec un kit de réfection (vendus entre 10 et 30€ par carburateur selon le modèle et les pièces qu’il contient).

Cette étape ayant beau être minutieuse et chronophage, elle vous permettra d’éliminer une importante quantité de problèmes potentiels pour vous concentrer sur vos réglages. Les prises d’air pouvant être à l’origine de dysfonctionnements, commencez par vérifier l’état de vos différents joints, de vos membranes ainsi que les caoutchoucs de vos pipes d’admission. Profitez-en également pour vérifier que vos aiguilles ne sont pas matées et que les puits d’aiguille ne sont pas ovalisés.
Au niveau de vos cuves, il sera également important de vérifier l’état vos pointeaux et de vos flotteurs. Pour vous assurer un niveau de cuve correct, commencez par positionner votre rampe dans sa position nominale, les cuves déposées. Vous devrez ainsi vous assurer que la languette du flotteur entre en contact avec le pointeau lorsque le flotteur est parallèle au plan de joint ou à la hauteur définie dans votre manuel d’atelier. Dans le cas contraire, ajustez la position de sa languette à l’aide d’une pince. Si vous effectuez cette opération en retournant le carburateur (comme sur le schéma suivant), assurez-vous que je cette position est atteinte avant que le ressort soit en compression sous l’effet du poids des flotteurs.

Adapter le carburateur aux cornets
Une fois votre rampe nettoyée et remontée, vous allez pouvoir commencer à expérimenter différents réglages. Commencer par régler votre vis de ralenti comme préconisé par votre manuel d’atelier. En vous référant aux tailles de gicleurs préconisées d’origine, commencez par installer des gicleurs principaux de +10 à +15 points et des gicleurs de ralenti de +5 à +10 points. Le flux air/essence général pourra également être enrichi en remontant l’aiguille d’un cran, accessible en démontant les capots supérieurs et les boisseaux.
Cette configuration installée, il vous sera également nécessaire de vérifier la synchronisation de vos carburateurs. Il s’agit ici de vérifier que les dépressions causées par l’aspiration du moteur sont équilibrées entre chacun de vos cylindres. Cette manipulation nécessite l’emploi d’un depressiometre (dans mon cas connecté à chacune des pipes d’admission) et implique d’ajuster les carburateurs par paires à l’aide des vis de réglages de synchronisation.
Une fois que l’équipe chante à l’unisson, prenez également un instant pour nettoyer vos têtes de bougies à la brosse métallique avant chaque nouveau réglage. Leur couleur après essai sur route sera en effet votre témoin de la richesse du réglage. Aussi, une bougie :
- blanche signifie que le mélange est trop pauvre,
- noire signifie que le mélange est trop riche.
Un bon réglage sera ainsi caractérisé par une couleur marron.
Le réglage des gicleurs
Chaque moto étant différente, trouver le bon réglage nécessitera plusieurs essais sur route ou banc d’essai. Le fonctionnement de votre carburation étant une chaine complète, il est par ailleurs important d’opérer ces réglages avec votre configuration d’échappement définitive. Ajouter une chicane a posteriori augmentera par exemple la compression à l’échappement, au détriment de votre réglage.
Afin d’appréhender la montée en régime de votre machine, trouvez-vous une ligne droite dégagée et montez quelques rapports, les gaz en grand. Il vous faudra ainsi être attentif à la facilité avec laquelle votre machine prend les tours. Dans l’hypothèse où votre machine rencontre des difficultés à bas régime (en dessous de 5 à 6000 tr/min sur un 4 cylindres), il vous faudra vous intéresser au réglage des gicleurs de ralenti. A l’inverse, si vous peinez à atteindre la zone rouge, il vous faudra jouer sur la taille du gicleur principal.
De retour à l’atelier, démontez vos bougies et notez-en la couleur. Les prendre en photo pourra vous permettre de comparer l’impact d’un réglage de richesse. Selon les trous observés et la couleur de vos bougies, vous devrez ainsi ajuster la taille de vos gicleurs en conséquence. Si les bougies sont blanches, votre mélange est trop pauvre et augmenter la valeur des gicleurs sera nécessaire. A l’inverse, si elles sont noires, le mélange est trop riche et des gicleurs de taille inférieure seront nécessaires.
L’ajustement de l’aiguille et du circuit de ralenti
Dans le cas où la couleur de vos bougies est marron mais que vous notez encore des problèmes de reprise du moteur, un retour sur l’aiguille est sûrement nécessaire. En vous stabilisant en 4ème ou 5ème rapport avec la poignée de gaz ouverte d’1/4, effectuez une accélération lente et sans à-coups jusqu’à 3/4 des gaz. Si le moteur s’étouffe avant de prendre les tours, c’est que la carburation de votre circuit intermédiaire est trop pauvre. Montez alors la position de l’aiguille d’un cran pour enrichir l’afflux. Si par contre, votre moteur « balbutie » avant de monter dans les tours, l’afflux est trop riche et réduire la position de l’aiguille sera nécessaire.

Une fois satisfait de vos réglages de gicleurs et d’aiguilles, votre carburation pourra être peaufinée en intervenant sur la vis de ralenti. Une fois votre moto chaude, mettez-vous au point mort et ouvrez franchement les gaz. Le réglage parfait est atteint lorsque la montée de régime est instantanée. Dans le cas contraire, jouez sur ces 4 vis à coup de 1/4 de tours, jusqu’à obtenir la réponse attendue.
En définitive
Si nous avons ici introduits les grands principes du réglage de la carburation, n’oubliez pas que chaque machine est différente et que la bonne santé d’une moto ne se limite pas à son admission. Une ligne inadaptée, un mauvais réglage des soupapes ou une fuite au niveau de la segmentation pourront avoir une influence majeure sur la compression du moteur et rendre impossible son réglage.
Assainir sa carburation est une affaire de sensations à l’essai et c’est parce que déterminer la source des problèmes relève de l’expérience que nous recommanderons toujours de consulter des spécialistes comme Matthieu Volpi (que nous remercions vivement dans l’élaboration de ce sujet) en cas de difficultés.