Pour beaucoup de gens, un pot de détente résonne comme la source d’un boucan infernal qui explose les tympans quand Bébert traverse le quartier sur sa 103 Gazelle rutilante. Mais pourtant, cet organe mal-nommé est une pièce élémentaire dans la préparation d’un cylindre à trous. Et nous le devons en grande partie à un homme, l’ingénieur est-allemand Walter Kaaden.
Au commencement, il y eut une fusée
Avant d’aller plus loin, il faut préciser que le nom « pot de détente » est mal utilisé quand il en vient aux moteurs à deux temps. Il est en effet plus exact de les appeler « pots accordés », voir même « résonateurs ». Mais bon, le terme est rentré dans l’usage donc gardons-le. L’histoire du pot de détente commence en 1938, quand la société allemande Limbach inventa l’échappement à chambre d’expansion pour réduire la consommation des motos de l’époque.

Mais l’année suivante la 2ème Guerre mondial éclata et les performances des motos passèrent à un second plan. Toutefois il y avait un certain Walter Kaaden, ingénieur travaillant aux ordres de Herbert Wagner, le concepteur de la fusée-missile téléguidé Hs 293. Bien que n’ayant jamais travaillé sur les V1 ni sur les V2 sous la direction de Wernher von Braun, le jeune Kaaden prit note de beaucoup de choses, surtout quand toute la production fut centralisée dans le sud de l’Allemagne après le bombardement de Peenemünde.
L’après-guerre et les MZ de course
Quelques années après la fin de la guerre, alors qu’il avait ouvert une scierie en Allemagne de l’Est, Kaaden reçut l’invitation de s’occuper du département de compétition moto de MZ. Il faut dire que Walter Kaaden avait développé une moto de course basé sur une DKW RT125, et qu’elle faisait parler d’elle lors des compétitions locales.

Le résultat fut la IFA/MZ RT125 Rennsport. Cette version modifiée de la DKW RT125 était dotée de quelques améliorations techniques, dont les fameux pots de détente développés par Walter Kaaden. Mais au fait, il faudrait savoir ce qu’est un pot de détente et comment ça fonctionne.
Le pot de détente pour les nuls
Comme je l’avais déjà mentionné plus haut, le terme « pot de détente » est incorrect pour les moteurs à deux temps. En effet, il faudrait plutôt parler de « pot accordé » voire même de « résonateur ». Mais comment ça marche ?







Et bien sans vouloir transformer ce papier en dissertation technique, on peut résumer le fonctionnement d’un pot accordé comme suit. Quand le front d’onde des gaz d’échappement arrive dans la chambre d’expansion, la vitesse de celle-ci passe d’une vitesse souvent supersonique à une vitesse subsonique et sa pression s’en trouve également réduite. Ceci permet à l’onde retour de remonter vers la lumière d’échappement du cylindre, empêcheant le mélange air-essence frais de s’échapper du cylindre avant sa combustion. Donc tout le secret réside dans la forme de cette chambre d’expansion ou « corps bombé », qui dicte la forme, la puissance et la vitesse de cette onde réfléchie.
Le pot de détente devient affaire d’État
À elle seule, cette avancée technologique allait donner un avantage substantiel aux MZ, à tel point que les autorités est-allemandes en firent une affaire d’État. Bien entendu, les autres constructeurs mouraient d’envie de mettre la main sur cette trouvaille de Walter Kaaden pour pouvoir lutter à armes égales avec les MZ.

Ce serait chose faite grâce à Ernst Degner, un fabuleux pilote est-allemand qui était également ingénieur. Au fur et à mesure de sa carrière, le bon Ernst commença à être désillusionné par le régime politique de son pays et se mit à envisager de passer à l’Ouest. Ce fut chose faite en Septembre 1961. Alors qu’il disputait le Grand Prix de Suède, sa femme et ses enfants furent exfiltrés d’Allemagne de l’est dans le coffre d’une voiture. Quand à Degner, après avoir dû abandonner la course suite à une casse moteur, il prit sa Wartburg pour se rendre au Danemark d’où il prit le ferry pour l’Allemagne de l’Ouest. Il traversa ensuite l’Allemagne de l’ouest jusqu’à la frontière franco-allemande où il fut réuni avec les siens.

Après moult péripéties, en Novembre 1961 Ernst Degner signa avec Suzuki, qui en plus d’un excellent pilote, héritaient ainsi d’un ingénieur et de la technologie des MZ, entre autre nos fameux pots de détente conçus par Walter Kaaden. En effet, au cours de l’hiver, Degner conçut les motos de course 50cm3 et 125cm3 de la marque dans les ateliers du service course de Suzuki à Hamamatsu. Et le reste, comme on dit, c’est de l’histoire : la technologie imaginée par Walter Kaaden se généralisa et permit au moteur « cylindre à trous » de régner sans partage sur les circuits de vitesse et de motocross durant plusieurs décennies.
Le mot de la fin
Walter Kaaden, après plusieurs années au département technique de IFA, la maison mère de MZ, fut décoré de la médaille de « Technicien Honoré du Peuple par le gouvernement est-allemand en 1958 et de l’Ordre Patriotique du Mérite en 1965. Le père des pots de détente fut éventuellement nommé à la présidence de la Fédération Est-Allemande du Sport Automobile. Il est mort en 1996.
Quand à Ernst Degner, après un terrible accident de course en 1963, prit sa retraite en 1965. Après avoir été Directeur Technique chez l’importateur Suzuki ouest-allemand, il se retira à Tenerife, où il monta une entreprise de location de voitures. Il y est mort en 1983 d’une crise cardiaque que certains pensent aurait pu être provoquée par des agents de la Stasi.
Photos : Wikipedia, Pipeburn, Tyga Performance, Bikesrestored, Bikebound
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