Il y a quelques temps, après une balade de Quillan à Bourg-Madame (que vous pouvez consulter ici), je vous avais laissés à la frontière espagnole. Aujourd’hui je reviens vous faire traverser cette frontière pour une petite virée sur une autre des belles routes des Pyrénées, depuis Puigcerdà jusqu’à Ribes de Freser.
Il s’agit ici d’un itinéraire assez court qui emprunte la N-260, également connue sous le nom de Eje Pirenaico (Axe pyrénéen en espagnol). Cette route, que les catalans appellent Eix Pirinenc, s’étend sur 500 km depuis Portbou sur la côte méditerranéenne jusqu’à la ville aragonaise de Sabiñanigo, au pied du col du Pourtalet. À la belle saison, cet axe pyrénéen reste mon itinéraire de prédilection pour rallier le pays basque espagnol depuis chez moi en Catalogne. Il s’agit là d’un voyage réalisable en une journée, quitte à prendre des libertés avec les limitations de vitesse et de faire abstraction des superbes paysages de montagne. Toutefois, je recommande de le découper en plusieurs étapes, histoire de profiter des choses à voir dans les regions que traverse la N-260.
Puigcerdà, ville-sœur de Bourg-Madame
Mais bon, je m’égare. Au lieu de radoter, il vaudrait mieux enfiler casque et gants pour prendre la route. Après une visite de la ville de Puigcerdà (ne manquez pas le clocher de l’église de Santa María, du XIIè siècle, le musée Cerdà et, pour les amateurs de chants de marins, la sépulture de Josep Lluis Ortega Monasterio, compositeur de la célèbre havanera El meu avi) et un petit arrêt technique au bar-restaurant Plat Rodó, qui a l’avantage d’être juste en face d’une station-service, nous empruntons la E-9 en direction de Barcelone. Je remarque ici que cette route mène éventuellement jusqu’à la C-16, un axe principal qui rejoint Barcelone, vous déposant au cœur même de la capitale catalane en devenant la Via Augusta au portes de la métropole.

Mais ce n’est pas cet axe sur lequel je vais vous emmener aujourd’hui, car je n’ai pas vraiment envie de payer les 9,67 € de péage du tunnel du Cadí ! Ce n’est pas que je sois radin mais franchement, payer aussi cher pour cinq kilomètres de tunnel je trouve que c’est un peu abusif. Donc à 3,5 kilomètres de notre point de départ, nous allons tourner à gauche pour nous engager sur la montée vers la Collada de Toses.
La Collada de Toses
Immédiatement, la route commence à monter vers les villages de Queixans et Urtx. Au bout de quelques virages nous avons déjà pris de la hauteur, et notre regard embrasse la plaine en contrebas de Puigcerdà, les montagnes qui marquent la frontière entre l’Espagne et l’Andorre et puis en face de nous, une partie du domaine skiable des stations de Masella et de La Molina. Tiens, rappelez-moi de vous y emmener un jour par « l’itinéraire bis » qui est réservé aux trails, car une bonne partie consiste d’une piste de terre qui traverse ledit domaine skiable…





Mais pour le moment, restons sur « La Collada ». Cette route chère aux motards catalans est le second tronçon vraiment montagnard de l’axe pyrénéen N-260 quand on vient depuis l’est. Longue de 51,4 km, elle relie Puigcerdà et Ribes de Freser, avec une altitude maximale de 1 790 m en haut du col qui lui donne son nom. Dès le printemps, elle se transforme en aire de jeux pour de nombreux motards de Gérone, de Barcelone, de Lérida et même de Tarragone, car chaque extrémité de cette route est desservi par des voies rapides permettant un accès facile depuis ces quatre villes catalanes. Par contre, à l’arrivée de la saison estivale, il faut aussi prendre en compte les touristes en camping-car. Sans oublier que, du fait qu’il s’agit d’un axe majeur, il y a aussi une ligne de bus qui l’emprunte.
Un parfum de pin sylvestre…
Non non, je ne vais pas vous vanter les mérites d’un produit de nettoyage ménager ! Par contre une bonne partie de la montée vers le col se fait à travers de pinèdes alpines ; à la belle saison, quand le soleil tape fort, il se répand un puissant parfum de pin sylvestre bien plus agréable que celui diffusé par un célèbre nettoyant WC palmipède ! Mais une odeur peut en masquer une autre : tout au long de la montée vous aurez remarqué quelques marques d’origine bovine sur la chaussée. En effet, coté droit, la route dessert des pâturages d’éstive (McQueen…) : il convient donc de faire attention.

Mais Marguerite la vache et ses copines de régiment ne sont pas les seules rencontres animales que vous pourrez faire sur La Collada. Je me souviens d’un matin très tôt, alors que je faisais la route en sens inverse, je suis arrivé sur une fontaine en bord de route, avec un petit bâtiment agricole de l’autre coté (la Casella de Saltèguet, à une vingtaine de kilomètres de Puigcerdà). Là, j’ai croisé le chemin d’une jument et de son poulain. Je me suis arrêté pour que mère et enfant puissent traverser la route pour se désaltérer avant de disparaître sur l’un des nombreux chemins de randonnée. Un instant magique, quelque peu « hors du temps », où je regrette de ne pas avoir pu me saisir de mon appareil photo. Il ne manquait plus que la bande-son du Seigneur des Anneaux…
Hélas, depuis quelques années les tagueurs sont arrivés dans la montagne, et tant la bergerie que la fontaine sont recouverts de gribouillis multicolores. Mais malgré cela, je repense à cet instant spécial à chaque fois que je passe par-là.
Une croisée de chemins en haut du col
À peine deux kilomètres plus loin, nous arrivons au col, a 1 790 m d’altitude. À notre droite, un vaste parking non bitumé qui fait un peu moche à vrai dire, et à gauche le bâtiment imposant et moderne de l’hôtel La Collada Hotel & Spa. Si vous avez amorcés la montée depuis Puigcerdà tard dans l’après-midi, cet hôtel qui paraît plutôt confortable ( attention, je n’y ai jamais fait étape) peut être une option intéressante pour y passer la nuit.
Il y a aussi un carrefour ; à droite, la GI-400 vous amène jusqu’à la station de ski de La Molina et, si vous prenez ensuite la BV-4031, jusqu’à Castellar de n’Hug par le Coll de la Creueta. Bien que le village n’accueille aucun monument historique en particulier à part son église, dont certains éléments remontent au XIè siècle, les environs recèlent des lieux intéressants.

Pour commencer, en contrebas du village et dans une épingle de la route, nous passons à l’aplomb d’un monument à la gloire du Gos d’Atura Català, une race canine autochtone et très ancienne (leurs ancêtres seraient venus avec le romains). Bien que le monument ne soit pas très réussi, je l’aime bien car j’en suis à mon deuxième chien de cette noble race de chiens bergers. Plus loin, il y a la source de la rivière Llobregat, qui se jette dans la Méditerranée en bordure de l’aéroport de Barcelone ; par contre il faut crapahuter un peu pour y arriver !
En poursuivant notre chemin nous arrivons à la chapelle de Sant Vicenç de Rus, du XIè siècle, qui abrite dans son intérieur des restes des fresques originelles. Quelques kilomètres plus loin, nous apercevons les restes de l’imposante cimenterie Asland, datant de la fin du XIXè siècle et qui est actuellement un musée du ciment. Finalement, aux portes de La Pobla de Lillet, nous trouvons les jardins Artigas, dessinés par Antoni Gaudí.

Une fois arrivés à La Pobla de Lillet, nous pouvons soit rebrousser chemin et remonter vers le col de Toses, soit s’engager sur la B-402 / GI-402 puis la GI-401. Il s’agit là d’un itinéraire étroit et sinueux à souhait qui nous mène jusqu’à Campdevànol, où nous rejoindrons la N-260 à l’entrée de Ripoll.
Ribes de Freser et son « Funiculì, funiculà »
Mais bon, ici c’est moi le « road captain », vous êtes sur mon terrirtoire, alors c’est Bibi qui commande ! Nous remontons donc jusqu’au col, où nous tournons à droite pour entamer la descente vers Ribes de Freser. Très vite, les pins sylvestres si odorants laissent la place à des essences de basse montagne, alors qu’en contrebas de la route nous pouvons distinguer des champs de culture.
La descente est assez sportive, mais il y a toutefois quelques virages un poil gratinés qui incitent à un peu de prudence. Au loin, la forme de certains cimes laissent deviner que nous ne sommes pas très loin de la Garrotxa, une zone d’anciens volcans située au nord-ouest de Gérone. Et d’un coup, nous arrivons à Ribes de Freser, la fin de notre itinéraire du jour.




Vous pouvez vous demander pourquoi j’ai fait allusion à une célèbre chanson napolitaine. Et bien figurez-vous que le principal attrait de cette petite ville est son funiculaire, qui amène les voyageurs vers la Vall de Núria. D’ailleurs je vous encourage de l’emprunter, car ça vaut vraiment le détour, tant pour le parcours que pour la destination. Et même si vous arrivez à Ribes de Freser en milieu d’après-midi, vous pouvez quand même embarquer, car en haut, il y a un hôtel et un camping. Vous pouvez donc y passer la nuit, passer la matinée à vous promener en montagne, avant de redescendre à Ribes et récupérer votre moto.

Mais pensez toutefois à réserver, car les hébergements sont très prisés par les randonneurs et les pèlerins. En effet, la Vall de Núria est un paradis de la rando alpine et abrite aussi le sanctuaire de la Vierge de Núria. Pour la petite anecdote, en 1931, le Statut d’Autonomie de la Catalogne fut parafée dans la chambre 202 de l’hôtel.
Et maintenant…
…Que vais-je faire ? Et bien, à partir de Ribes de Freser, plusieurs options s’ouvrent à nous. Nous pouvons poursuivre la N-260 vers la côte avant de remonter vers Portbou et la France. Pour ce faire, préférons la N-260a qui va de Ripoll à Olot. Passé Olot, et jusqu’à la côte méditerranéenne, l’axe pyrénéen descend en plaine et devient un peu ennuyeuse. Mais elle nous permet d’explorer la Costa Brava et son pittoresque arrière-pays rural. Sinon, nous pouvons rallier Barcelone par la C-17, une voie rapide qui passe aux portes du circuit de MotoGP.
Mais quoi qu’il en soit, je vous donne rendez-vous bientôt pour une autre belle route pyrénéenne !

Je tiens à remercier Irina Juchimiuk Jaworski, de KSR España, pour le prêt de la sympathique Brixton Crossfire 500X avec laquelle j’ai réalisé ce parcours, et qui figure dans certaines des photos qui illustrent cet article. J’espère pouvoir très prochainement vous en proposer l’essai !
Photos : The Thrutonian, Google Earth, María José Vicente, Enrique Álvarez Soto
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