En réalisant un café-racer typique des années 70-80 sur base de Yamaha SR 500, le témoin de l’âge d’or de cette culture qu’est Stu Lloyd espère transmettre tout un pan de sa jeunesse à sa fille de douze ans.

Hooligan du deux temps
Stu Lloyd a grandi au Royaume-Uni dans les années 70 et 80, un lieu et une époque qui ont vu se dérouler l’âge d’or du café-racer. Dans le sillage des premiers ton-up boys qui lancèrent ce mouvement, Stu s’est lui aussi pris de passion pour les motos. Il aimait autant les conduire que les bricoler, notamment ses deux petites cylindrées à moteur deux temps, une Kawasaki KH 250 et une Yamaha RD LC. Stu était alors considéré à l’époque, comme l’un de ces garçons que la presse anglaise appelait volontiers les « hooligans du deux temps ».
Depuis presque quinze ans maintenant, il réside à Calgary. Alors que sa passion était en veille depuis la fin de ses études, elle s’est ravivée depuis son installation au Canada. Ducati 998, 996s et 1198s, Honda VTR 1000 RC51 et KTM RC8 : toutes les motos qu’il bricole désormais sont des superbikes à moteur v-twin. Deux d’entre elles cependant, font exception à cette règle : une Aprilia RS V4 et une magnifique Yamaha SR 500 de 1978 dont il vient d’achever la transformation en café-racer.

Supplément d’âme
Les préparations réalisées par des amateurs possèdent parfois, en comparaison à celles des ateliers professionnels, un petit supplément d’âme. C’est probablement dû à une forte implication personnelle du préparateur, ce qui est le cas ici. Stu est animé d’une véritable passion pour le café-racer depuis l’adolescence. De plus, il éprouve une sorte de nostalgie pour l’apogée de ce pan de la custom culture au cours de laquelle il a vécu. Et puis, non content d’entretenir cette flamme pour son plaisir personnel, il souhaite également la transmettre.
C’est donc pour sa fille âgée de douze ans que Stu Lloyd a réalisé un café-racer sur base de Yamaha SR 500. Il espère ainsi lui offrir un héritage à la fois matériel et immatériel : matériel par le truchement d’une petite cylindrée qu’elle pourra piloter quand elle en aura l’âge, et immatériel par tout ce que cette machine raconte sur la jeunesse de son créateur. Ainsi, la fille de Stu pourra chevaucher à l’aube de sa vie d’adulte, une moto quasi-identique à celles que son père chevauchait au même âge.

Un visuel Smart et eXTRème
C’est évidemment dans les motos de course des années 70 que Stu est allé puiser l’inspiration visuelle pour sa préparation. La Ducati 900 Super Sport de 1978 est une de celles qu’il a prises pour références. Dotée d’un demi-carénage à l’avant, elle représente à ses yeux la quintessence même du café-racer. Les productions de son préparateur préféré lui ont également servi de modèles. Il s’agit de Pepo Rosell, alias XTR Pepo, un français installé à Madrid dont la spécialité est l’endurance-racer des années 60 à 80.
Mais celle dont on pourrait presque penser que la Yamaha SR 500 de Stu Lloyd constitue un véritable hommage, c’est la Ducati avec laquelle Paul Smart remporta la première édition des 200 Miles d’Imola en 1972. Carrosserie grise et cadre vert écume, touches de peinture et amortisseurs jaunes, échappement haut et autocollants de sponsors : les références à la première 750 Desmo du pilote anglais sautent aux yeux.

Motard à l’ancienne
Il n’y a pas que le résultat final de la préparation de Stu qui date des années 70, il y a aussi ses méthodes de travail. Stu a tout bricolé lui-même sur son établi avec des clés et un étau. Le projet l’a occupé pendant trois ans. Il n’a fait appel à aucun atelier professionnel pour réaliser, comme on peut le voir souvent, une partie des travaux qui sortait de son domaine de compétences. Il n’a pas utilisé d’informatique et n’a incorporé ni boîtier électronique ni élément imprimé en 3D. Quand il avait besoin de pièces, il piochait en priorité sur une des huit motos dont il disposait, en plus de la Yamaha SR 500 qui a servi de base à son café-racer.
L’interrupteur de pression de frein, le support de plaque arrière et les feux de freinage à LED sont ceux d’une Yamaha R1. Le maître cylindre du frein arrière provient d’une KTM 50 SX, le levier de vitesses d’une Yamaha RD 400, les étriers supérieurs d’une Yamaha XS 650 et les autocollants classiques de réservoir d’une Yamaha TZ 350. Quand Stu ne trouvait pas la pièce dont il avait besoin, il la fabriquait lui-même. C’est le cas notamment pour le kick, les points de fixation pour les sangles du réservoir et le carter de chaîne.

La « ton » et le quintal
L’objectif de performances pour Stu était le même avec son moteur mono cylindre de 500 cm3 que celui des pionniers de la culture café-racer : atteindre les 100 mph en vitesse de pointe, la fameuse « ton », graal des ton-up boys. Stu s’y est employé sans toucher au taux de compression des cylindres. Pour cela, il a augmenté le niveau d’admission de carburant et modifié le rapport de transmission. Un carburateur Mikuni VM36-4 dont le gicleur a été adapté et un filtre à air K&N contribuent à cela, ainsi qu’un échappement à flux libre Omega Racer SS monté en position scrambler.
Par ailleurs, il a suivi le précepte du fondateur de Lotus Cars, Colin Chapman : « Pour ajouter de la vitesse, ajoutez de la légèreté ». C’est grâce à une batterie Zéro Gravity lithium-ion, un réservoir Benelli en fibre de verre qui remplace celui d’origine en acier, un empennage plus court, en fibre de verre également, et une boucle d’empennage réduite, que la moto a perdu du poids. Au final, c’est jusqu’à la vitesse de 103 mph que Stu réussit à pousser sa préparation.

Tenue de route exigée
Au niveau de la partie cycle, Stu s’est concentré sur le maintien d’une bonne tenue de route. Pour cela, outre les pièces qu’il a empruntées à différentes motos, il a installé des amortisseurs arrières à bonbonne. Puis, il a amélioré les éléments internes de la fourche d’origine ainsi que les freins grâce à des conduites tressées.
Concernant la partie électrique, Stu a raccourci et modifié en profondeur le faisceau pour permettre le branchement de la nouvelle batterie, d’une bande à LED intégrée dans la boucle arrière, de clignotants à LED Motogadget MBlaze, d’un feu de croisement monté sur le côté droit du cadre et de deux phares ronds dans le plus pur style endurance-racer, qui servent de feux de route quand on retire leurs caches Marchal.

Quel avenir pour une moto du passé ?
Tant niveau look que niveau performances, la Yamaha SR 500 entièrement préparée par Stu Lloyd correspond à l’idée que l’on peut se faire d’un café-racer à l’ancienne. C’est en tous cas dans cet esprit là qu’il l’a imaginée et conçue. Espérons que sa fille sera de son avis, car le challenge le plus difficile que Stu a dû relever lors de ce projet a été, selon lui, de la convaincre, elle, que les café racers sont cools, malgré leur absence de WiFi et de support pour téléphone portable.
Quand elle aura atteint l’âge requis pour conduire une moto, elle pourra vivre à son tour les aléas du démarrage au kick et les frissons de la vitesse au guidon d’une petite moto. Mesurera-t-elle à sa juste valeur la richesse de cet héritage singulier ? C’est tout le mal que l’on peut lui souhaiter.
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Photos : Adam Gregory