Zoé David collectionne les casquettes : architecte devenue mécanicienne, musicienne, pilote et side-cariste aux côtés de son compagnon Frank Chatokhine, elle tient désormais rubrique sur cafe-racer.fr Deux fois par mois, Zoé nous présente sa crew, une galerie de portraits de femmes qui roulent et s’engagent, à son image.
« Don’t take me seriously » furent les premiers mots que m’envoya Toria Jaymes. Mais comment ne pas prendre au sérieux une jeune femme aussi inspirante ? Graphiste, née en Angleterre et désormais installée en Colombie britannique, la province la plus à l’ouest du Canada, Toria fait toute chose avec cœur et conviction. Du flat-track au skate-board, de l’escalade à l’enduro sous la neige canadienne.

Jeune créa, Toria avait lancé sa première agence dans l’est londonien en 2014 : « Le studio a cartonné pendant plusieurs années. Mais arriva pour moi le moment de rompre avec ma zone de confort. Diriger une agence, une équipe et tout ce qui s’en suit limitait beaucoup ma créativité. Il y avait un tournant à prendre, même si je ne savais pas si j’étais prête à me retrouver en tête à tête avec moi-même en tant que créa ou si je voulais monter une plus petite équipe. »
C’est à ce moment-là qu’est née son agence Stay Outside. Rester dehors ? « Ce nom correspondait à ce que j’essayais de faire : rester en dehors des conventions et des normes sociétales. “Soyez à l’aise de ne pas vous intégrer”, tel était le message. Après la première année de Stay Outside, j’ai réalisé que j’aimais vraiment être un ranger solitaire. Je me sentais incroyablement libre dans ma créativité et capable de choisir plus facilement les clients ou les marques avec qui je voulais collaborer. Depuis, je n’ai plus jamais regardé en arrière. Stay Outside est devenu mon pseudonyme, mon nom d’artiste, juste moi faisant mes trucs »

Son agence travaille pour des marques aussi réputées que Harley-Davidson, Royal Enfield, Levi’s ou Red Bull. Toria est très implantée dans le milieu grâce à ses représentations aussi burlesques que graphiques de l’univers moto.
Apprentissage dans les champs
Mais si j’ai choisi de vous parler de Toria, c’est qu’en plus du talent qu’elle possède pour le graphisme, elle est aussi une passionnée de moto et une très bonne pilote. « J’ai de vieux souvenirs de moto quand j’étais enfant, me dit-elle. A l’âge de 10 ou 11 ans peut-être, je jouais avec mon grand frère et son copain dans les champs autour de là où j’ai grandi. On roulait sur des 200 RD, des mobylettes en passant par des motocross. »
Toria est avanttout branchée off-road, comme en témoigne son garage : « Quand j’ai quitté Londres j’avais quatre motos : des Honda XR et 230F, une Suzuki DRZ et enfin une Simson SR50 qui était géniale. Mais je n’ai pas été autorisée à les emmener au Canada. Je les ai vendues à contrecœur. Aujourd’hui, je n’ai plus qu’une moto, une KTM deux-temps EXE ! Une bête pour les chemins particulièrement sauvages de la région! C’est mon premier deux-temps et le quatre-temps qui m’était si familier me manque un peu. Mais plus je la pratique plus la KTM m’impressionne. »

Nouveau terrain de jeu
Au cœur des montagnes canadiennes, Toria a trouvé un terrain de jeu à sa mesure. En plus de de l’enduro, elle pratique aussi le snowboard, et, lorsque le temps est plus clément, sort son skate pour aller placer quelques tricks au skate-park du coin entre copains. « Quand l’hiver arrive, je me prépare à l’ouverture des pistes de snowboard. Lorsque le temps redevient chaud et sec, je me remets au skateboard. J’aime aussi l’escalade en salle ou à l’extérieur mais le niveau ici est indécemment haut. C’est intimidant. Je crois que j’ai trop de hobbies et que je resterai moyenne dans tous. »
Toria ne cesse jamais de s’essayer à de nouvelles disciplines. Après le cross et l’enduro, elle s’est lancée en flat-track. Elle fut littéralement happée par le DTRA (Dirt Track Riders Association), le championnat anglais. Son ambiance familiale et particulièrement inclusive, largement due aux organisateurs, fait de cette série un moment magique de partage pour tous les concurrents qui y participent. « Dès mon premier départ sur la piste, j’ai eu la meilleure expérience que l’on puisse rêver d’avoir. Anthony, l’organisateur du DTRA, m’a vraiment épaulée et m’a prêté des motos pour mes premières courses. J’ai roulé une saison entière en catégorie « mini bikes » (125 cm3) et une demie saison en « Rookie » avant de faire une chute et de me casser la clavicule. Même si dans mon esprit ce n’était pas la fin pour moi du flat-track, le moment où je me suis complètement rétablie à coïncidé avec le moment où je devais partir voyager en Europe en van juste avant d’aller m’installer au Canada. Je continuerais sûrement à participer au DTRA si je n’avais pas déménagé. Ces moments à rigoler, à hurler au bord de la piste pour soutenir les autres, à rouler au coude à coude avec mes amis sur la ligne droite en regardant leurs sourire aussi larges que le mien à travers leurs casque… »

Duel sur l’ovale
C’est d’ailleurs aux courses organisées par la DTRA que j’ai rencontré Toria. Et plus particulièrement à Dirt Quake où l’on se livra l’une et l’autre un combat épique, elle sur une Indian Scout 1000 cm3 et moi sur une BSA A65 de 1969. « Je crois que cette Indian est la meilleure moto sur laquelle j’aie pu rouler. Le son, sa puissance, elle m’a complètement subjuguée. Et comment je pourrais oublier que tu m’es passée sous le nez avec ta BSA dans le dernier virage avant le drapeau à damier… Haha ! »
Zoé David