Zoé David collectionne les casquettes : architecte devenue mécanicienne, musicienne, pilote et side-cariste aux côtés de son compagnon Frank Chatokhine, elle tient désormais rubrique sur cafe-racer.fr Deux fois par mois, Zoé nous présente sa crew, une galerie de portraits de femmes qui roulent et s’engagent, à son image.
Tamara Raye est un électron libre tout droit débarquée de la Planet Claire. Cette référence au morceau du groupe de rock 90’s B52’s , elle l’a eue instantanément dans la tête au moment où je lui posais ma première question. Si Tamara vit en en Californie, elle a souvent l’impression d’appartenir à un autre monde !
Tamara est un personnage haut en couleurs et possède de nombreuses cordes à son arc. Entre ses road-trips dans le désert, ses tournées mondiales en tant que bassiste et son métier d’ingénieur pour le parc d’attraction Disneyland, elle trouve encore le temps de bricoler sa Triumph T100C et d’emmener camper son chat aveugle baptisé Churchill. « J’ai souvent l’impression d’appartenir à un autre monde, reprend Tamara. Ou, plutôt, l’impression de ne pas appartenir à celui-ci. Mais c’est ce qui rend la vie intéressante, de marcher à contretemps. Il n’y a pas tant de personnes qui ont cette philosophie et j’ai beaucoup de chance d’avoir des amis qui sont comme moi des voyageurs intergalactiques. »

Travailler dur dans ce que l’on aime ne suffit pas toujours à rallonger le temps… Chez Disneyland, qui occupe la plupart de son temps, Tamara s’occupe de la maintenance et du développement des attractions du parc.
La combattante
Après avoir été membre des Black Tibetans, un groupe de rock n’roll à la sauce 60’s, pendant plusieurs années, Tamara est bassiste d’un groupe plus indie, Wargirl Band, avec lequel elle a récemment fait une tournée européenne : « La musique a toujours été une passion pour moi. J’ai commencé par être musicienne classique, violoniste, et jouer dans des orchestres pendant mon enfance. Mais il n’a pas fallu longtemps avant que je m’essaie à la guitare basse. Depuis mes dix ans, j’ai trouvé dans la musique un moyen de concentrer et calmer mon esprit. Le monde extérieur n’existe plus et seul le moment présent a du sens lorsque je joue. Avec Wargirl Band nous voyageons et jouons, c’est une grosse partie de ce qui m’apporte le bonheur dans ma vie. » Forcément, Tamara trouve que ses compositions musicales en gestation doivent trop attendre. Et que ses projets moto patientent trop longtemps dans le garage…

On dit souvent que les esprits se libèrent avec la musique. La moto y contribue aussi… C’est ce sentiment de liberté qui lie étroitement ces deux éléments en apparence si éloignés : « Pour moi, rouler c’est comme faire de la musique, cela m’apporte une énergie et une concentration que je ne trouve qu’à ce moment-là. Lorsque je roule, tout ce qui est tangible, les sons, les odeurs, sont décuplés. Même lorsque je prends de la vitesse, le monde me donne l’impression de tourner au ralenti. C’est une sensation très spéciale d’avoir une machine qui vous permet de vous connecter à ce point à votre environnement. »
New sensations
Tamara possède une petite flotte de bécanes dans laquelle elle a dû faire le tri faute de place. En ce moment, elle est composée d’une Triumph T100C de 1966 montée en desert-sled qu’elle surnomme « Little man », d’une Triumph TR25W en cours de montage pour le tout-terrain et d’une Triumph street scrambler. Vous l’aurez compris, elle a une petite préférence pour la marque anglaise. Mais elle n’a pas toujours été aussi exclusive : « J’étais intéressée par les motos depuis un bon bout de temps avant d’acheter ma première mais j’ai toujours refusé de rouler comme passagère. Il y avait quelque chose de séduisant pour moi dans les courses vintage. Il fallait donc que ma première moto soit à la hauteur de l’idée que je me faisais de la compétition. Alors un jour, j’ai jeté mon dévolu sur une Yamaha XS 650 Custom. J’ai su que c’était la bonne. Ce jour a changé ma vie à tout jamais. »

Tamara a participé a plusieurs compétitions en VMX (cross vintage en français) et en flat-track. Elle a pris part il y a quelques mois à sa première course de désert à Spangler Hills, dans le désert de Mojave en Californie, où elle remporta la première place dans la catégorie féminine.
51-49
Plus récemment elle et son petit ami Jorma se sont lancé un défi encore un peu plus fou : « Notre trip à Kauai, une des îles Hawaïennes, reste comme l’un de mes voyages préférés. Jorma et moi avons envoyé nos motos (la T100C et la BSA B44 Victor enduro de Jorma) par container pour participer à une course de motocross vintage et pour explorer les pistes de la jungle. C’était un vrai challenge en termes de pilotage. L’un des plus beaux terrains de jeu qui m’ait été donné de voir aussi. Il y avait des arbres qui semblaient sortir tout droit de la période jurassique et beaucoup de rivières compliquées à traverser… Le voyage d’une vie ! »
Au-delà des apparences , Tamara n’est pas une tête brûlée. Elle ne se lance pas dans ce type d’aventures sans réfléchir. Sa philosophie, c’est 51% de fun et 49% de peur. Se donner des défis fait partie du jeu mais pas au point de ne plus s’amuser : « Si tu arrêtes de t’amuser, dit-elle, c’est que tu ne vas pas dans la bonne direction. Mais je veux avoir l’impression de m’améliorer en tant que pilote. Je sais que je ne suis pas la plus rapide ou la plus talentueuse naturellement, mais je travaille dur sur ce qui m’effraie. La pratique est le seul moyen pour moi d’améliorer la confiance en soi. »

Plus que les compétitions, Tamara se concentre sur ses road-trips. C’est son vrai truc : elle part seule dans le désert avec sa Triumph, moderne ou vintage en fonction de l’humeur du moment, et se laisse guider au gré des chemins poussiéreux : « J’adore pouvoir quitter le tarmac pour prendre des sentiers sinueux, pour explorer les environs hors des sentiers battus. Les road-trips primitifs sont mes préférés quand tu prends l’essentiel avec toi et que tu espères qu’en découlera le meilleur. »
Kiss Kieth
Tamara est traversée par toutes sortes d’énergies. Son goût pour l’aventure, son côté artistique à travers la musique, son aura qui en déstabilise plus d’un et sa volonté de toujours aller plus loin sont vraiment remarquables. « Je veux être Keith Richards quand je serai grande ! », conclut-elle en rigolant. Moi, ça ne me paraît pas impossible qu’elle y parvienne un jour…
