Imaginez créer le plus haut musée moto d’Europe en acquérant une par une 362 des motos les plus convoitées de la planète, tout perdre dans un incendie monstrueux, puis tout reconstruire en un an. Le Top Mountain Museum a réouvert le week-end dernier.

Parti en fumée
Le Top Mountain Motorcycle Museum a été créé par deux frères jumeaux, fanatiques de motos, les hommes d’affaires Attila et Alban Scheiber, avec l’aide précieuse du collectionneur Mark Upham (ex-propriétaire de Brough Superior). Niché sur les hauteurs de Hochgurgl, une station située dans le Tyrol autrichien, le musée dormait tranquillement dans la nuit du 18 janvier 2021 lorsque vers 4 heures du matin une panne électrique a déclenché un incendie soudain. Les pompiers de la vallée n’ayant aucune chance d’arriver sur site avant une heure, c’est l’équipe des techniciens de pistes et les montagnards régulièrement employés par les frères Scheiber qui sont intervenus en premier pour lutter contre l’incendie. Lorsqu’un bâtiment entier est en bois, vous n’avez que quelques minutes avant qu’il ne se transforme chaleur et lumière… Mais l’un des opérateurs de dameuse avait vu dans un documentaire télévisé un incendie similaire, et il a eu l’idée de pousser la neige de la montagne vers le chalet et de la projeter sur le feu avec des canons à neige. Une stratégie incroyable (surtout pour des non-pompiers) mais qui a réussi à sauver en partie le bâtiment de plusieurs millions d’euros. Mais hélas bon nombre de Brough Superior, Harley, Triumph, Velocette, Ducati et bien d’autres motos des marques pionnières, ultra rares et chères, ont été détruites.

Les Indians sauvées
Au-delà de cet enfer nocturne, le choc a été un coup dur pour Attila et Alban. Le musée était leur bébé et ils avaient construit la collection à partir de zéro avec enthousiasme et passion, moto par moto. L’ami Mark Upham les y avait aidé et y avait également exposé un certain nombre de motos rares. L’ensemble du dernier étage du musée a été incendié, anéantissant plus de 200 spécimens en état concours de l’histoire de la moto, tandis que, par miracle, la collection Indian (55 motos) a survécu car elle se trouvait au rez-de-chaussée pour une exposition temporaire. Le feu était si violent qu’il a tout fait fondre, y compris les carters, les réservoirs, les cylindres, ne laissant que des cadres couverts de cendres et de la suie partout.

Avec le moral dans les chaussettes et un énorme trou financier, les trois hommes ont ensuite dû régler le sinistre avec les assureurs. Un travail long et laborieux pour Mark Upham qui a dû cataloguer et confirmer la valeur marchande de chaque moto, sans compter que ces dernières années, de nombreuses machines avaient été ajoutées à sa collection mais pas à la police d’assurance. Ca aurait pu jouer en faveur de la compagnie d’assurance, mais heureusement, après une enquête approfondie, une somme décente a été payée pour éponger la perte. Une fois le chantier nettoyé, les frères Scheiber ont décidé de tout recommencer, la reconstruction est donc partie sur les chapeaux de roues.

En haut du Passo Rombo
Situé à 2175 m et tirant son nom de sa position stratégique au sommet du col de Timmelsjoch, le bâtiment d’origine « Crosspoint » de 2500 mètres carrés était déjà une pièce d’architecture qui détonnait au milieu des montagnes. Le nouvel agrandissement porte la surface à 4 400 mètres carrés avec une toute nouvelle aile de musée. Construit entièrement en bois avec un toit en forme de vague, le bâtiment est structuré sur deux étages avec l’une des ailes et un balcon suspendus au-dessus des quatre bornes de péage de la route qui vous emmène en Italie. Aujourd’hui, avec quelque 120 000 voitures et 90 000 motos par saison, le Passo Rombo, comme les Italiens aiment l’appeler, est devenue une route fréquentée, grâce au travail de terrassier du grand-père d’Attila et Alban. Avec Crosspoint, les deux frères proposent une nouvelle expérience alpine. À main droite, il y a l’entrée du restaurant et du bar d’une capacité de 450 personnes. Il est décoré avec goût avec des motos, des skis et des souvenirs accrochés aux murs et dans des armoires ; à gauche, après les nombreux panneaux de motos anciennes, de grands escaliers vous mènent à l’espace principal du musée.

Les portes s’ouvrent à nouveau
Une rampe surélevée et courbée entièrement en bois de pin souligne la grande forme incurvée de l’ensemble du bâtiment. Les motos semblent alors courir les unes contre les autres sur la piste. Des images rétro-éclairées en noir et blanc se détachent magnifiquement des murs en bois, illustrant les différents thèmes de la moto exposée devant elles. On y trouve des racers pionniers, Harley, Brough Superior et AJS, comme des motos de piste des années 70 et 80 tel le célèbre prototype trois-cylindres Honda Elf 2 engagé en Grands Prix 500 en 1983. Les tout premiers exemplaires de motos, guère plus que des vélos motorisés, côtoient des modèles uniques des premiers constructeurs indépendants – il y a la toute première moto entièrement en bois – un étonnant bestiaire qui continue de se dévoiler au fil des salles.

Heureusement, après l’incendie, de nombreux amis et collectionneurs se sont manifestés pour prêter leurs motos, quelque 160 spécimens ont été empruntés au musée d’Hockenhiem en Allemagne et 60 au musée de Neckarsulm. Parmi la collection de 450 motos, on ne peut pas manquer des joyaux comme une très emblématique Ducati 750 Super Sport Desmo Café Racer, un Norton Café Racer 650SS personnalisé de 1966, le génial Triumph X-75 3-cylindres (l’un des 1262 exemplaires jamais produit en 1973 par Triumph et conçu à l’origine par Craig Vetter pour BSA).Une autre bécane étonnante est un bobber Indian de 1941, acheté en Californie à un ancien militaire qui, comme c’était courant à l’époque pour les anciens soldats, l’avait personnalisée en bobber dans les années 50.

Expérience immersive
Le musée a aussi un pied dans le présent en ayant laissé un espace à KTM-Red Bull. Vous trouverez une exposition de motos de cross et de rallye modernes, ainsi qu’une capsule 4D où vous pouvez en fait piloter l’une des dernières KTM sur simulateur. A vous le col du Timmelsjoch, tandis qu’à quelques mètres de là, vos amis regarderont sur grand écran les courses retransmises par Red Bull TV. Visiter un musée de la moto est indéniablement un bon moment pour tous les petrolheads, mais se faire le Top Mountain Motorcycle Museum est vraiment une expérience à 360 degrés qui va même au-delà des motos. La famille Scheiber développe des loisirs et des divertissements sur cette montagne depuis des générations, et ce musée de la moto-riding experience-restaurant-centre de ski met le niveau encore plus haut. Vous pouvez faire l’une des meilleures balades à moto de votre vie pour monter là-haut, vous émerveiller devant l’histoire des machines, essayer le simulateur 4D, regarder les courses, manger dans un restaurant sympa et même faire du ski ou de la randonnée si vous en avez envie.
Texte et photos : Fabio Affuso
Notez que le musée sera à nouveau fermé pendant 4 semaines à partir du 24 avril à cause de la révision de la remontée mécanique. Top Mountain Museum