Olivier Chevallier (1949-1980) fut l’un des porte-drapeau de la génération dorée des pilotes tricolores. Alain Chevallier (1947-2016) étudia la médecine avant de devenir préparateur puis constructeur de motos. Dans son dernier livre, Jacques Bussillet raconte l’épopée des deux frères les plus magnétiques de la bécane française.
Jacques, comment as-tu rencontré les frères Chevallier ?
J’ai croisé Olivier pour la première fois à Oulton Park en avril 71, mais on a à peine eu le temps de discuter. On ne s’est revus qu’en octobre, au Casteller, lorsqu’il m’a traité d’abruti parlant trop des pilotes anglais et pas assez des français. Et pour cause, je n’avais pas vu une seule course en France cette saison-là. Mais on est devenus très amis aussi vite que sa colère s’est calmée. A ce moment là, Alain était à Vendôme où il préparait ses voitures, et je n’ai fait sa connaissance que beaucoup plus tard, 75 ou 76. Il n’était jamais à Sèvres où habitait la famille Chevallier et où je suis souvent allé.
La course moto était en plein foisonnement dans la France des années 70 : quelle place occupe Olivier dans le panthéon de cette époque ?
D’abord il a gagné un Grand Prix, en 1976 en Yougoslavie, sur un circuit terrible et devant deux saignants sur ce genre de piste, Mortimer et Katayama ! Dans ces années 70, tout le monde ne peut pas en dire autant. Auréal l’avait emporté sur un coup de chance au Mans en 125 en 1969 et on attendait avec impatience une Marseillaise sur un GP. Rougerie en a gagné deux en 75 et un en 77, Sarron un en 77, ses succès répétés sont venus plus tard. Donc Olivier, déjà, avait réussi ça. Mais sa vraie place est évidemment ailleurs, hors des pistes il était royal pour trouver des sponsors, impliquer des médias, faire parler de la moto avec pour caisse de résonance le salon de la moto de course dont il s’est occupé pendant presque dix ans. C’est lui qui a amené tous les grands sponsors des années 70 à la moto.
Comment expliques-tu que le décès d’Olivier n’ait pas interrompu la carrière d’Alain ? Quelles relations avait-il avec les autres pilotes ?
Alain a toujours dit qu’après la disparition d’Olivier il considérait que pour lui la moto c’était terminé. Pendant presque un mois, en avril-mai 1980, il est resté sonné comme on boxeur après un KO. Mais en fait, il venait de franchir le pas, il venait de construire sa propre moto, je pense qu’inconsciemment il n’avait pas du tout envie d’arrêter tout ça et le coup de téléphone d’Eric Saul a été providentiel. Alain n’attendait que ça pour repartir de plus belle, d’ailleurs quand Saul l’a sollicité il n’a guère hésité avant de lui dire d’accord, je te passe mes motos. Et son ambition est encore plus claire l’année suivante malgré ce deuxième coup terrible qu’est la mort de Rougerie sur sa moto en Yougoslavie. Il le dit clairement dans le livre, la disparition d’Olivier a été comme une deuxième naissance pour lui, ça donne quand même une dimension tragique à leur histoire, cette sorte d’épisode sacrificiel qui permet au papillon Alain de sortir de sa chrysalide.
Quelles innovations doit-on à Alain Chevallier ?
Avant d’écrire ce livre, comme beaucoup de gens qui ont suivi sa carrière, je n’en avais qu’une vague idée. Mais c’est hallucinant quand on les empile, ces innovations. Le travail de cet acier spécial qu’est le 24 CD4S pour commencer, puis les alliages d’aluminium et le titane vont suivre, le titane que seules les usines pouvaient alors se permettre à l’époque. Alain, lui, potasse des livres de métallurgie et s’y lance sans hésiter. La systématisation des axes montés sur excentriques pour tout ce qui est lié au travail des suspensions, c’est lui. Derrière arrivent la régularité des essais au banc, les études sur la pression de l’air le long des carénages, Alain était bien aidé par l’ingénieur de Elf Jean-Claude Fayard. Mais c’est lui qui a l’idée des fameuses boîtes à air devant les entrées des carburateurs. Toujours avec Fayard ils défrichent l’acquisition de données, en 85 Alain donne un coup de main à Eric de Seynes qui est le premier à capter des images par caméra embarquée sur une Cheval susceptibles d’être utilisées par une télé. Toujours avec de Seyne, ils utilisent la caméra embarquée pour observer le travail des pneus ou des suspensions. La liste est impressionnante.
Olivier et Alain Chevallier, deux frères dans la course, est désormais en pré-commande. Son prix est de 40 € et les frais de port sont offerts jusqu’au 31 mars.
Réservez-dès à présent votre ouvrage, Livraison prévue au mois de mai.